L’HOMME QU’ON AIMAIT TROP, de André Téchiné – 1h56
Avec Catherine Deneuve, Guillaume Canet et Adèle Hanel
Sortie : mercredi 16 juillet 2014
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1976. Après l’échec de son mariage, Agnès Le Roux rentre d’Afrique et retrouve sa mère, Renée, propriétaire du casino Le Palais de la Méditerranée à Nice. La jeune femme tombe amoureuse de l’homme de confiance de Renée, Maurice Agnelet, un avocat plus vieux qu’elle. Maurice a d’autres liaisons. Agnès l’aime à la folie.
Actionnaire du Palais de la Méditerranée, Agnès veut vendre sa part de l’héritage familial pour monter une petite librairie. Une partie truquée siphonne les caisses de la salle de jeux. On menace Renée. Derrière ces manœuvres guerrières plane l’ombre de la mafia et de Fratoni le patron du casino concurrent qui veut prendre le contrôle du Palais de la Méditerranée. Tombé en disgrâce auprès de Renée, Maurice met en relation Agnès avec Fratoni qui lui offre trois millions de francs pour qu’elle vote contre sa mère. Agnès accepte le marché. Renée perd le contrôle du casino. Après une tentative de suicide, Maurice s’éloigne. En 1977, Agnès disparaît à la Toussaint…
Et alors ?
Retrouvant pour la septième fois Catherine Deneuve, André Téchiné lui offre ce personnage de reine-mère qui dirige son casino comme si tout devait céder à ses désirs. Une femme en représentation permanent dans ce Palais de tous les mirages, ce qui permet à Catherine Deneuve de jouer avec tous les signes de la sophistication et de la mascarade avec une classe infinie. Face à elle, Guillaume Canet fait une composition impeccable dans le rôle de cet avocat raté qui fait tout pour gravir les échelons d’un monde qui le méprise. Derrière ce côté « gendre idéal », il cache un homme très complexe qui met en scène sa vie au risque de s’y perdre. Jusqu’au bout, on ne sait pas exactement ce que ressent ce personnage qui donné une clé de compréhension de sa psychologie profonde quand il lance : « Je déteste être pris dans les émotions des autres. » Le film est l’occasion de mesurer surtout le talent de la jeune Adèle Haenel qui campe la figure centrale du drame, cette jeune Agnès Le Roux qui sait se montrer sous un jour rude, tout en laissant apparaître des fêlures intimes. « Agnès Le Roux, dit Téchiné, c‘est le contraire d’une victime désignée : elle est active, sportive, elle veut travailler et ouvre une boutique. Ce n’est pas une petite chose fragile et on ne peut pas l’enfermer dans l’image d’une petite enfant gâtée. »
Si les relations de ce trio, leur affrontement psychologique est au centre de l’histoire, André Téchiné le situe dans le cadre plus vaste de la guerre moderne. Celle du fric et des compromissions montrées au jour le jour dans la lutte qui oppose Renée et Fratoni sans que jamais la description du milieu corse ne tombe dans la caricature. On le mesure notamment dans la savoureuse scène du
déjeuner dans la somptueuse maison de Fratoni (très juste Jean Corso) où le roi des casinos chante pour la galerie dans sa langue natale. « Je voulais montrer le processus de prise de pouvoir, les méthodes utilisées pour couler un casino, le fonctionnement de l’entreprise dans ce contexte particulier avec sa part de brutalité et de servilité » souligne André Téchiné qui s’est inspiré pour écrire le scénario des Mémoires de Renée Le Roux, écrite par son fils Jean-Charles.
Entre polar et drame familial, le nouveau Téchiné tient toutes ses promesses en revisitant un fait divers qui, malgré les révélations récentes et la condamnation de Maurice Agnelet en avril dernier, continue d’entretenir un vrai mystère.



