THE MAJOR, de Youri Bykov – 1h39
Avec Denis Chvédov, Irina Nizina, Youri Bykov
Sortie : mercredi 6 novembre 2013
Je vote : 4 sur 5
Un jour d’hiver, Sergueï Sobolev, capitaine de la police locale, est en route vers l’hôpital où sa femme s’apprête à accoucher. Nerveux, roulant trop vite, il renverse un enfant qui meurt à la suite de l’accident. Le capitaine a deux options : aller en prison ou cacher le crime. Sobolev décide alors d’appeler un collègue pour l’aider… C’est le début d’un engrenage de mensonges.
Et alors ?
Avec ce deuxième film -on se souvient de Vivre- Youri Bykov signe une description poignante de la réalité russe et de ce commissariat qui sert de cadre à ce drame. Un lieu qui est d’autant plus symbolique -avec son décor crasseux- qu’à l’extérieur les grands espaces couverts de neige et barrés par les lignes de haute tension sont désertiques et
. Une description sans appel d’une réalité où le passe-droit est une règle de conduite, et la violence un moyen d’expression quotidien. Confidences du cinéaste : « J’ai été inspiré d’un événement qui s’est déroulé le 19 février 2010. Un capitaine de la milice a tué par balles neuf personnes dans un supermarché. Lorsque j’ai commencé à écrire le scénario, mon objectif était de dénoncer les abus de pouvoir de la police. Et puis j’ai trouvé plus intéressant de recentrer l’histoire sur un homme qui se met dans une situation délicate parce qu’il a un certain pouvoir. Pour la plupart d’entre nous, la priorité n’est pas la vérité et la justice mais sa famille, ses amis, ses parents. Lorsque le népotisme est érigé en système social, seul la loi du clan domine et aucune institution, y compris la police, ne peut fonctionner de manière civilisée. »
La force de son film tient à une mise en scène solide où, par un jeu sur la profondeur de champ qui permet de « lire » les émotions sur le visage des protagonistes, par le choix d’une caméra très mobile, le spectateur est plongé au plus près de ce que subissent les personnages de ce drame. Il tient encore au fait que Youri Bykov montre sans accompagner son récit d’une quelconque leçon de morale. Cela donne encore plus de force à son récit. Confessions : « Je ne suis ni optimiste ni pessimiste. Je suis un fataliste. Non pas par croyance, mais parce que je suis un être humain qui réfléchit sur sa condition. Et qui a compris que tout a un début, un milieu et une fin, qu’après la vie, il n’y a que la mort, et que tout ce qui nous arrive a une raison plus profonde. Nous naissons pour nous confronter à une série de défis graves et complexes. Je ne crois pas que le sens de la vie soit la recherche du Bonheur ou quelque chose d’approchant, mais plutôt d’effectuer un voyage qui nous permette de comprendre qui nous sommes et ce dont nous sommes capables. Voilà ce qui rend la vie passionnante. La plupart des gens ne cherche qu’à survivre, à rester dans une certaine zone de confort. Et pour arriver à ce résultat, ils doivent trahir une partie de leurs principes. La survie, c’est s’adapter au monde qui nous entoure, quel que soit le prix à payer. Y compris en renonçant à certaines valeurs morales fondamentales. »
Enfin, ce scénariste,cinéaste, compositeur mais aussi acteur sait mettre en valeur ses comédiens qui jouent tous une partition juste dans ce récit d’une profonde noirceur. Dans cet univers sans héros, ni anti-héros, l’être humain apparaît alors dans sa triste humanité. C’est noir, désespéré mais indéniablement très fort malgré de petites longueurs.

