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TIREZ LA LANGUE, MADEMOISELLE, de Axelle Ropert – 1h42
Avec Louise Bourgoin, Cédric Kahn et Laurent Stocker
Sortie : mercredi 4 septembre 2013
Je vote : 4 sur 5
Boris et Dimitri Pizarnik sont médecins dans le quartier chinois à Paris. Ces deux frères pratiquent ensemble leur métier et consacrent tout leur temps à leurs patients. Une nuit, ils sont amenés à soigner une petite fille diabétique que sa mère, Judith, qui bosse de nuit, élève seule. Ils tombent tous deux amoureux de Judith. Bientôt, tout sera bouleversé…
Pourquoi ce film est une belle réussite
A priori, il faut bien l’avouer, l’histoire de ces deux frères amoureux de la même jeune femme n’est pas des plus séduisantes, tant le prétexte semble classique. La force d’Axelle Ropert est d’en tirer un film qui échappe à toute caricature et préserve un certain mystère à ce trio, tout en le situant avec assez de précision dans la vie quotidienne pour le rendre touchant et émouvoir le spectateur. En glissant au détour des scènes quelques indices pour nourrir la psychologie de ces trois personnages – l’alcoolisme de Dimitri, l’abandon de Judith quand elle était enceinte, la
maladie incurable de la mère des deux praticiens…- la cinéaste sait enrichir une histoire sans l’encombrer de détails. Elle pratique ainsi un art consommé de l’ellipse. C’est d’autant plus réussi qu’en partant d’une relation qui pourrait paraître névrotique – la relation presque gémellaire des frangins- Axelle Ropert parvient à en faire une simple relation d’amour fraternel profond. Commentaires : « Ce lien n’a rien de pathologique, il ne faut rien y chercher de malaisant. Les héros de mon film sont des frères qui certes s’aiment plus que la raison ne le demande, mais cet amour n’est ni maladif, ni névrotique, et ne comptez pas sur moi pour le psychanalyser ! J’adore les grandes histoires d’amour/amitié entre hommes dans les films américains classiques. »
Habitante du Chinatown parisien, pas vraiment glamour et objet de bien des fantasmes, elle se sert de ce décor étrange et presque dépaysant pour servir d’écrin à cette histoire d’amour pas banale. Filmant l’essentiel des scènes dans une ambiance nocturne, elle fait découvrir la beauté caché de ce quartier urbain. Elle souligne : C’est une beauté qui n’est pas immédiatement frappante, mais qui « remonte » quand on fait l’effort de la chercher. » Au passage, en décrivant par petites touches l’univers du travail de ces deux médecins généralistes, à l’écoute de leurs patients, elle parvient à montrer la fraternité qui existe dans ce quartier a priori impersonnel : des relations entre les jeunes patients des médecins, aux petits gestes des commerçants à leur endroit.
Enfin, il y a le choix pas vraiment évident des comédiens. Ne se ressemblant absolument pas, Cédric Kahn et Laurent Stocker parviennent de manière étonnante à exprimer l’amour qui unit ces deux frères. Un geste, un regard permettent ainsi de définir une relation forte qui va au-delà des mots. Quant à Louise Bourgoin, avec son port altier et son visage de « madone espiègle », comme le note la réalisatrice, elle joue avec tact cette jeune femme tiraillée entre plusieurs amours et qui semble blindée face aux pièges d’une relation sentimentale. Surgissant dans la nuit dans son manteau rouge, elle se départit jamais d’un certain mystère avec les deux petites lunes dessinées sous ses yeux quand elle se maquille pour aller travailler comme barmaid. Avec l’autre personnage du scénario, cette nuit qui est propice à la confidence passagère, voire à l’abandon.
Tout ces éléments ne peuvent alors qu’embarquer le spectateur dans une histoire d’amour qui a le mérite de ne jamais sombrer dans la banalité.


