
MAMAN, d’Alexandra Leclere – 1h28
Avec Mathilde Seigner, Josiana Balasko et Marina Fois
Sortie : mercredi 9 mai 2012
Je vote : 3 sur 5
L’histoire ?
Comme leur mère les a toujours négligées, deux sœurs la kidnappent et l’enferment dans maison au bord de l’Atlantique. Elles veulent la contraindre à parler avec elles et à les aimer.
Et alors ?
Si l’affiche pourrait faire croire à une bonne vieille comédie -et la redouter – la surprise est au rendez-vous. Alexandra Leclere signe un récit en forme de coup de poing sur certaines névroses familiales. Elle raconte : « Je voulais parler du manque d’amour maternel sans savoir par quel biais l’aborder. Il ne s’agit pas pour moi d’étaler une histoire personnelle ou de régler quelque chose, même si je m’inspire d’un sentiment réel, profond, dit-elle. Alors, partant de cette carence affective, j’ai imaginé cette histoire de mère qui débarque après avoir été terriblement absente, et de ces deux sœurs qui, pour arriver enfin à lui parler franchement, ne vont pas lui laisser le choix. « Maman » est un film d’amour sur le manque d’amour. Un film dur, grinçant mais profondément positif. »
En partant d’un scénario très mince, la réalisatrice parvient à décrire bien des étapes psychologiques dans l’affrontement de ces deux sœurs, au caractère diamétralement opposé, et de leur mère. On savait la palette du jeu de Josiane Balasko. Elle est bouleversante dans la peau de cette mère dure, autoritaire mais qui laisse, petit à petit, percer ses émotions sous sa carapace et son maquillage qui se défait. « Je n’avais jamais joué la mère de deux grandes filles, et surtout pas ce genre de mère. J’ai soixante ans. Pour moi, jouer une femme de cet âge était naturel et ne me gênait pas du tout. Au contraire, je trouve très bien de pouvoir continuer à jouer des personnages intéressants qui correspondent à un âge réaliste, sans tricher.
Le fait d’incarner quelqu’un d’apparemment très négatif était aussi attirant. Mon personnage est décrit comme une femme ayant totalement négligé ses filles. Mais, si elle est un « petit monstre », il fallait pourtant lui donner une humanité. Elle n’a pas martyrisé ses enfants, elle les a malmenés psychologiquement, voire ignorés. C’est un être humain avec ses faiblesses, et ses éventuels bons côtés« , souligne la comédienne. Elle peut d’autant plus facilement faire entendre sa musique personnelle que les deux filles ont aussi des fêlures, des violences contenues qui peuvent jaillir au cœur d’une scène, comme celle du fusil de chasse où la frêle Alice (Marina Foïs) surprend sa sœur Sandrine (Mathilde Seigner) en s’emparant du fusil de chasse.
Enfin, la cinéaste sait à merveille utiliser le « quatrième » personnage du film : cette maison isolée et dominant l’océan, symboliquement ouverte mais qui, pour le coup, devient au fil du récit une prison étouffante. Avec le moment symbolique où Alice et Sandrine enchaînent leur mère à une ancre pour l’empêcher de mettre les voiles et la force à se confier. L’image vaut un long discours : « Voir cette mère enchaînée au sens propre du terme en est un beau symbole. Ses filles veulent la retenir, ce manque d’amour est un véritable boulet pour elles, alors elles osent la maintenir en captivité, comme un prisonnier dont on attend les aveux » note Alexandra Leclere.
Grâce à ce trio de comédiennes parfaites, grâce à un humour noir bien dosé, Maman raconte des choses assez profondes sur la vie sans tomber dans une psychologie de bazar. Dans la belle tradition de la comédie sociale italienne.
