Leconte tient le compte

Le regard d’un cinéaste touche-à-tout

Il n’a cessé de passer d’un cinéma populaire, style « Les Bronzés 3 » à un cinéma d’auteur dont « Tandem » ou « L’Homme du train » sont la meilleure expression. Sans oublier son « Monsieur Hire ». A 63 ans, Patrice Leconte a décidé de passer de l’image à l’ordinateur en se racontant devant le micro d’Hubert Prolongeau. Ce « J’arrête le cinéma » (Ed.  Calmann-Lévy) pourrait être un recueil d’anecdotes de plus, de témoignages un brin compassés sur le bon vieux temps du ciné, ses copains acteurs… Il n’en est rien. Lucide envers lui-même, pas complaisant avec son ego, Leconte passe en revue ses succès et ses échecs, sans se masquer les maux passés derrière les mots d’aujourd’hui. Ainsi, il ne mâche pas ses mots quand il évoque des relations difficiles avec Jean Rochefort depuis « Les vécés étaient fermés de l’intérieur » en 1975. Ainsi quand il écrit : « Il était en service minimum, c’est  le moins qu’on puisse dire, d’autant plus qu’il se rendait bien compte que la vedette du film, c’était Coluche. »

De même, il ne joue pas les réalisateurs béats devant la bande du Splendid et autres acteurs devenus célèbres. Ainsi quand il évoque Christian Clavier et ses cicatrices. « Un jour, il m’a dit : « J’ai toujours éprouvé un sentiment d’imposture. Je ne sais pas ce que j’ai fait pour mériter ce qui m’arrive, et on se rendra compte un jour que c’est indu. » Il n’ a pas une très haute idée de lui-même. Sa belle gueule l’a sans doute plus fait douter qu’elle ne l’a rassuré. »

Il raconte aussi comment le jeune acteur Giraudeau, arrogant et nombriliste des « Spécialistes » a cédé la place à un homme beaucoup plus à l’écoute des autres et des équipes après qu’il a commencé à réaliser lui-même des films. Au détour de la longue interview, il avoue son goût pour ceux qui usent sans abuser de légèreté. « J’ai une admiration sans bornes pour ces cinéastes qui savent rouler sur le bas-côté : les Cassavetes ou les Stevenin qui font un cinéma fragile, dangereux, qui risque de se casser la gueule à tout moment mais possède une légèreté merveilleuse. Ce n’est pas de l’improvisation, c’est autre chose. Je lutte beaucoup contre cette manie que j’ai parfois de trop préparer les choses, mais je ne gagne pas toujours. Après, on est comme on est… » Arletty n’aurait pas dit autre chose.

En tout cas, ces confidences à deux voix reviennent sous quelques belles heures du cinéma français des années 80-90. Et qui lance, comme une maxime, « s’il y a quelqu’un qui doute, c’est bien moi. »F.C.

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